CONTRE L’ŒUVRE D’ART TOTALE de Heiner Goebbels

Les éditions de la Philharmonie publient la traduction par Aleksi Barrière et Isabelle Kranabetter des écrits du compositeur et metteur en scène allemand Heiner Goebbels : la plus vaste anthologie de ses textes, récapitulant plus de quarante ans de recherche artistique sur la manière dont les arts peuvent entrer en discussion lorsqu’on ne les impose pas les uns aux autres et au public. Il s’agit d’un véritable journal de travail informel, qui est aussi bien une chronique artistique des dernières décennies et un guide pour quiconque voudrait travailler les arts transversalement et ensemble par-delà le paradigme usé du Gesamtkunstwerk wagnérien, de l’œuvre d’art totale. Un portrait de l’artiste en anti-fasciste.

Heiner Goebbels : CONTRE L’ŒUVRE D’ART TOTALE
Textes établis et traduits de l’allemand par Aleksi Barrière & Isabelle Kranabetter
Éditions de la Philharmonie, Paris, 2024
432 pages

Extrait de l’avant-propos des traducteurs :

La présente anthologie a été conçue avec une double exigence : présenter pour la première fois au public francophone l’ensemble des textes dans lesquels Heiner Goebbels réfléchit sa pratique et, dans le même mouvement, proposer un parcours qui retrace l’aventure intellectuelle et artistique dont ils sont le témoignage.

On pourra donc au choix se reporter à tel texte, traitant d’un sujet ou d’un spectacle précis, ou aborder ce livre linéairement comme une réflexion continuée depuis les années 1980 jusqu’à aujourd’hui : une recherche tenue mais ouverte, nourrie de lectures et de rencontres — avec des artistes ou avec des œuvres — qui n’ont de cesse de l’enrichir, y compris dans le moment de la transmission. Et de fait, cet « entretien infini » de Heiner Goebbels inclut et documente aussi les voix singulières de plusieurs générations de créateurs européens, et les questions qui les ont animés. (…)

La revendication de la séparation des éléments qui constituent un spectacle, leur autonomisation permettant leur libre dialogue devient, dans ce chapitre où se compile une sorte de journal des principales œuvres scéniques de Goebbels jusqu’à aujourd’hui, un principe directeur, qui l’amène à formuler une manière originale de construire des spectacles, de la dramaturgie à la musique en passant par les conditions mêmes de production et de collaboration. Contre l’opéra entendu comme fusion des arts se propose le Musiktheater, mot que nous traduisons ici par théâtre-musique pour affirmer la tension qui, chez Goebbels et plus largement dans la langue allemande, fait sa spécificité, mal rendue par le terme théâtre musical qui a par ailleurs sa propre tradition. (…)

Le dialogue mené par Goebbels entre les arts et les genres, pensé dans son éthique comme un éloge sans sentimentalisme de l’altérité et du déplacement, se poursuit à l’occasion de ce volume dans le dialogue entre deux langues, l’allemande et la française, qui dans la friction de la traduction se donnent productivement à réfléchir. Il se trouve que les spectacles de Goebbels n’ont pas seulement eu une riche histoire de production et de tournées en France, ayant souvent été construits en collaboration avec des artistes français : ils sont aussi, pour beaucoup, marqués par les cinéastes, philosophes et écrivains de langue française. En retour, le lecteur francophone trouvera ici matière à repenser ce qu’il croyait connaître, par l’éloignement du regard et la confrontation à l’histoire des arts des pays de langue allemande, tout en redécouvrant par ce pas de côté une tradition intellectuelle et artistique vivante que la proximité lui avait peut-être fait négliger.

Plus d’informations sur le site de l’éditeur.

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