Nous avons souvent convergé vers le bassin] de la Villette
où le soleil se couche plus tard qu’ailleurs au bord de l’eau
J’écoute le chant monstrueux de l’écluse en aval des trafics divers
et veux descendre plus bas que ces plages_ mises là pour nous divertir
là où l’eau remuerait car ce doit être un beau destin de se jeter dans la Seine
D’abord il y a le premier des cinq bassins] celui-ci contraire
aux néons des cinémas plus haut et leurs péniches qui pétaradent de la lumière
Bassin] des Morts* c’est son nom triste |comme lui| verdâtre
entouré des longues silhouettes des ~arbres florentins
Dans quoi s’engage-t-on ici sinon un _au-delà un _champ d’honneur_
pris en étau entre Stalingrad Valmy Jemmapes victoires douloureuses
tatouées de graffitis comme un grand cimetière profané
et comble de tristesse ce front buté et gris le Pont de la rue Louis-Blanc1
à peine un pont un trottoir histoire de histoire de quoi histoire de passer
Mais après cette douve le quai descend enfin et s’ouvre ¿un quartier?
et comme une étrange fontaine aux treillis de fonte et de verdure
le square Eugène-Varlin son pont2 et son écluse
Si contenu [Varlin] lui cette contre-écluse dont on n’a retenu
qu’une phrase d’airain sur les affamés à la porte des palais opulents
Varlin nom rassurant qui rappelle que plus haut il y a eu une CommunE
et qu’à côté des noms de vaines guerres affichés comme dans
un parc à thèmes nous venons aussi de Jaurès et Louis Blanc
Je ris{ Ce canal impérial contient deux dix-neuvièmes siècles entiers
et nous verrons vers lequel nous ferons chemin faisant retour
Pendant un temps rien ne reflue le bassin] est comme un lac
les immeubles ne sont pas des maisons jusqu’au coude annoncé
par le grand parc à droite et les boutiques aux couleurs de friandises
et comme un portail de château se dresse la Passerelle Bichat3
[[qui semble un morceau de la gare qui à côté nous amène la Ruhr[[
ouverte sur les grandes écluses des Récollets* aussi débordantes d’~arbres
les jeux d’enfants collés aux vieilles guérites des éclusiers
É-clu-siers fantômes parmi les vivants & ambassadeurs dans nos mémoires
des /métiers/ qui nous font toucher ce qu’a vraiment été ce village portuaire
… où l’on ne se sent plus comme disait un poète du temps de ces petits ponts
guidés par les /haleurs/ dont le nom lui-même ne veut
plus rien dire aux écoliers qui ne verront plus ici ni bateaux ni peaux-rouges …
C’est du .roulement de. >patrimoine> .tambour ah raté.. partout ici mais pourtant
on continue d’y vivre Témoins la Passerelle de la Grange-aux-Belles4 trop petit
décor de cinéma et puis le Pont tournant du même nom5 morceau de route
/échoué là qui remonte à <gauche vers Saint-Louis l’hôpital des pestiférés logés
comme :Place des Vosges: :ô-j: vers le gibet aussi et vers les Fédérations rouges
remplacées par des brasseries criardes
alors qu’à droite> se tendent sans châssis autres que les habitations humaines
les peintures murales et les affiches qui reprennent le cri muet d’autres anonymes
… morts plus récemment …
C’est ici dans le bleu tiède du soir que s’allume le jardin officieux de la jeunesse
auprès d’une piscine de désirs calmes ceinte de magasins un peu chers
dans la perpendiculaire de la rue de Marseille où sont les nouvelles boutiques
dans la pente des terrasses où le mot ~populaire fait vendre
Ici c’est rassurant d’être assis au bord de l’eau qui ne nous renvoie pas
de métaphores de joug / de batailles malgré toutes ces écluses ces quais et tous ces ponts
parce que l’on ne voit que la silhouette de grand phasme tranquille de
la Passerelle Richerand6 toute seule donnée aux piétons seuls
=belvédère métallique de ceux qui sont nés après toutes les industries=
et qui ici boivent et fument quand les touristes du jour sont partis vers Pigalle*
Nous sommes là, tous, de notre âge quittant, soit les rendez-vous choisis soit les
kebabs avantageux pour ce collier de passerelles dont on ignore les noms
mais je veux leur rendre les voici Grange-aux-Belles Richerand
je les ai déjà dites et puis Alibert7 =au-dessus du Pont tournant de la rue Dieu8
que l’on descend parfois à vélo= et jusqu’à la Passerelle des Douanes9 qui
déjà se profile tous ces insectes phasmes étranges posés là parmi nous aux pieds
desquels nous laissons la nuit glisser sur nous qui est si propice } Et en passant
c’est bien la rue Alibert que je vois passer sinistre prolongement de la rue ¡Dieu¡
là où cet hiver ceux qui n’étaient pas au canal trop froid ont été foudroyés
. .
Après le dernier pont ce sont déjà les dernières =écluses de l’arrondissement((
C’est ici le faubourg où il faudrait tourner pour aller Place de la République*
où n’ira pas ce soir notre génération assise pour refaire en plus petits groupes
)le monde) tandis que sous un square encore un |comme s’il fallait partout des ~arbres
pour boire toute cette eau| le canal disparaît sous une voûte
et chemine jusqu’à la Bastille! sous le nom de Boulevard!
–Richard-Lenoir– C’est l’industriel modèle et vertueux de l’âge héroïque
qui nous a donné les passerelles dont nous aimons tant le goût d’usine
le goût de grisou de poison d’enfances exploitées
Je ris encore { C’est Lenoir* qui recouvre ce que Blanc* commençait
(Je me relis Une ville il faut croire c’est une carte d’astrologue
à qui l’on peut faire dire un peu ce que l’on veut)
Le Boulevard! qui accélère ça ne nous concerne plus
même si ces trouées faites par le Baron pour empêcher les Barricades
sans doute sont aïeules des lotissements de jadis revendus aux riches nouveaux
aux cadres dynamiques qui n’encadrent rien et aux journalistes de papier glacé
Tout ça va se jeter loin de la Ville-tte au clinquant bassin] de l’Arsenal*
où le 23 juin 2016 on a éclusé une ville qui se manifestait
dans un petit parc verdoyant comme celui-ci et grillagé
L’eau a passé et ici la caressant des pieds nous attendons décidément
que quelque chose arrive ,tous, sans trop nous parler