Oh je sens Que je vais proférer parce qu’un naufrage ça se déclame
C’était l’année de ) l’éclipse et des tempêtes ) L’année
Des Attentats en Russie tandis que d’autres | se planifiaient ailleurs |
La guerre que font les EmpireS pour l’énergie
Et sa riposte étaient portées sur de nouveaux fronts
On * préparait * Noël et un nouveau * millénaire *
Britney Spears attendait le >Bug de l’An 2000 en jupe d’écolière
On ne sait pas raconter les drames sans visages
Les minutes de la catastrophe existent
Je n’ai pas besoin de les dire –
Mais de dire que pour que le 12 décembre 1999 à 08 h 08
Un navire se rompe en deux et fasse naufrage
Dans les eaux internationales au large de la pointe de Penmarc’h
Il a fallu qu’un monde entier y collabore
L’énergie c’est bien de cela qu’il est question
De trente mille tonnes de fioul chargées à Dunkerque
Pour une centrale thermique en Italie
Pour mettre en orage les turbines formidables
Et ajourer la nuit venue * de festives fenêtres
[ L’Erika [ née sur un chantier naval au Japon
A presque vingt-cinq ans d’âge et a changé huit fois de nom
Son délabrement tant de fois constaté n’a inquiété personne
Et qui peut se dire surpris qu’après quatre jours de tempête
L’océan démonté démonte cette ingrate ferraille ((
~ Que la mer soit grosse qu’il y ait des rafales
Ça ne regarde que la mer et le vent
Que la mer monte ~ chauffe-enfante-des-typhons
Et que l’on y jette des corps sans armes
Hier comme aujourd’hui
Ce sont des crimes dont il faudra répondre ~
Il y a -l’armateur un Italien discret dont c’est le commerce
D’acheter des vieux pétroliers à bas prix et de les louer
Et qui possède l’Erika à travers -une société à Malte
Qui ne possède rien d’autre et
Par qui engagé il y a -le gestionnaire Panship qui s’occupe
Que tout soit en ordre de marche et de papier
Par qui engagée il y a -la société de classification Rina qui déclare
Que le navire pourrait voguer cinq ans encore en toute sécurité
Panship signe donc un contrat de six mois avec -l’affréteur Selmont
/ entreprise suisse immatriculée aux Bahamas /
Qui chargé de trouver des clients propose l’Erika aux grands groupes pétroliers
Parmi lesquels seul -Total en veut par quoi l’on veut dire –Total Londres
Qui fait par -un shipbroker anglais affréter le rafiot
Pour la vente du fioul par –Total France à la société italienne -Enel
Via –Total Bermudes
Dont bien plus tard les Paradise Papers nous diront l’aventure
C’est un peu le navire de personne qui doit arroser tout le monde
Là-dessus l’Erika porte le pavillon de Malte >
C’est-à-dire de nulle part >
Ce qu’on appelle un ~pavillon de complaisance
Un signal qui nous prie de regarder ailleurs >>
Personne ainsi n’est coupable quand les ballasts corrodés se vident mal
Quand la coque rouillée se fend
Ce n’est le drame de personne
Sinon de vingt-six hommes dans la houle
Du CAPITAINE du Rajasthan venu qui appelle en vain
Un propriétaire qui n’existe pas
Et des MATELOTS INDIENS qui paient encore sur leur salaire
Le marchand d’hommes qui leur a trouvé ce bon plan
-La société de placement à Bombay par qui Panship a recruté son équipage
. Tandis que les \ deux moitiés disjointes du navire sont \ englouties par la mer
Figures en gilets oranges dans la grisaille que l’hélicoptère vient treuiller
Photo aujourd’hui banale d’un autre désastre au large de nos côtes .
¡Pathétique on n’arrive pas à conjurer les images!
De la frégate Méduse manœuvrée par les colonisés d’Afrique et d’Asie
Partis défendre le pré carré des autres
Pour finir morts de soif jetés par-dessus bord et cannibalisés
Sur un radeau qui dérivait sous le soleil des tropiques ¿
En 1816 la belle aventure n’était pas autre chose qu’aujourd’hui
[ Les années parlons-en tandis qu’à peine les matelots sauvés
S’élève la panique du cataclysme noir à venir que la houle charrie ]
On avait prévu que deux semaines plus tard se produirait un >Bug
C’est-à-dire rien d’autre que le scrupule d’une négligence
On avait codé les années en deux chiffres |..xx| et non quatre
Parce que cela prenait deux fois moins de place
Et que cela devait suffire pour le moment
Et on a mis du temps à se demander ce que des ordinateurs construits
Pour penser les années seulement en dizaines et en unités
Allaient croire qu’il pouvait bien y avoir après ..99
Et quelles seraient en cascade les conséquences de cette impossibilité
Cette erreur de conception croyait-on allait planter tous les systèmes
Et déclencher l’apocalypse de notre civilisation informatique
Et ainsi tout le matériel a été remplacé à grands frais
… Et seules quelques (( vieilles horloges électroniques
Le lendemain du 31 décembre 1999
Ont annoncé le 1er janvier 1900
Et sans grande conséquence ((
……Deux semaines avant cette date
Au large de Penmarc’h sur le navire de personne
Il ne s’est pas passé autre chose
Un défaut de conception systémique
Dont ne peut naître que la catastrophe
Mais depuis le naufrage du pétrolier >Amoco Cadiz en 1978
Et tant d’autres naufrages
On encadrait la mer du bout du crayon
Oui on cherchait à résoudre le problème des pétroliers
Sans chercher à résoudre le problème du pétrole
On a installé plus de / sémaphores et de / radars
On a déployé des remorqueurs plus puissants____
( La politique apprend vite et s’empresse d’oublier
De l’émotion de l’Amoco Cadiz est sorti le >Plan Polmar
Dont les dotations ont baissé d’année en année
Jusqu’à la débâcle de l’Erika . De nouvelles mesures . Et ainsi de suite
Sommes-nous vraiment tellement bêtes
À ne jamais poser la question de 100 que lorsque 99 arrive )
Sur terre on a mis dix jours à déclencher le plan d’urgence
Et c’est le 25 décembre que la vague noire frappe le Morbihan
La veille de l’arrivée des deux cyclones qui nous ont dévastés
Prologue au siècle nouveau dont on voulait dire beaucoup de choses
Mais pas | que ce serait | le siècle des ouragans
Que la mer bouillante , alimente , de torrides vapeurs ,
Et tandis qu’il n’y a toujours pas de plan contre ces 400 km de mort brute —
Des villages voisins et en car de la France et de l’Europe
S’en viennent les bénévoles sublimes pour nettoyer les plages
Sans qu’on leur dise comment se protéger du poison
Sans l’État les mairies font comme elles peuvent
Les déchets corrosifs sont entassés sous de maigres bâches
Sur des sols perméables
> Et puis les trois cents mille oiseaux
Le coup d’aile impossible de tristes gladiateurs
Ces images sont devenues de la mythologie
Jamais on n’avait autant capté la catastrophe en train de se faire
Et cet hiver-là devant nos télévisions
Nous avons commencé à regarder un péplum macabre
Interrompu depuis seulement par les coupures publicitaires
—Face à la lueur froide du spectacle de ces ruines jetées sur des ruines
Je crois que certains n’ont pas cligné de l’œil depuis vingt ans
Hypnotisés par ces désastres qui ne sont qu’une seule grande catastrophe
La bière à la main° anges interloqués de l’histoire°
Le dos tourné vers l’avenir en marche à reculons——-
Les déchets de l’Amoco Cadiz avaient été enfouis_ par-dessus eux des _parkings
Les déchets de l’Erika 270 000 tonnes qu’on n’a pas eu l’indécence d’enterrer
TOTAL est réapparu pour ouvrir ses raffineries
Où l’on a séparé le fioul du sable .-.-.-.
Remis le fioul en circulation et envoyé le sable dans des cimenteries
Et brûlé ce qu’on a pu et les plages sont restées béantes ///
| Il faudrait raconter dans une tout autre encre le Procès de Douze Ans
La bataille superbe livrée pour faire rendre gorge
À tous ceux qui ont plaidé la culpabilité de leur voisin
Mais ce serait raconter aussi tout ce que la lutte n’a pas changé
Sinon que les bateaux peut-être sont moins rouillés
Raconter que l’on ne punit pas le crime mais de se faire prendre
: On ne nous donne qu’une seule loi d’airain c’est l’entropie
Rien n’est sûr sinon la présence partout de >l’irréversible
Et qu’à cela nous ne pouvons rien changer
De là vient que nous avons la passion de punir
Sans avoir la passion de réparer
Ainsi Jamais autant on n’a jeté à la mer comme on jette à la fosse
Le long des routes du commerce et caché dans ses bas-côtés
Déchet inévitable marge incompressible Dit-on la bouche sèche
On n’ose plus les mots d’exploitation et d’esclavage
Parce que le monde est sur une si belle pente
Et qu’il a été jadis si sombre et si violent
Qu’il faut se féliciter d’être nés dans la lumière
Il faut pourtant dire comme aux précédentes révolutions
Au bruit des machines
Que ce n’est pas sur la charité que ce monde se laisse construire
Ce n’est pas par amour qu’on l’a si bien organisé
Et néanmoins nous avons laissé le monde aux armateurs
Quand brûle à larmes de plomb notre trésor la cathédrale dernière
Nous nous drapons dans le pavillon de nos complaisances
La mer monte Elle n’aura bientôt que nous à emporter
Et plutôt >que de devenir la houle>
Nous nous vengeons que le ciel soit vide
Et que nous ne sachions pas
Le raturer d’oiseaux~