The mystery of Friedrich Hölderlin’s last poem can perhaps open up only by translating it over and over again. Into different languages. And trying things out.
The broader mystery of the second, recluse half of Hölderlin’s life was at the centre of La Chambre aux échos’s performance La Guerre, Très Loin (2015), where the poet’s exile appeared as a form of renunciation, in the face of his incapability to change the world. Begging the inevitable crushing question: Wherefore poets in times of distress?
Hölderlin’s poetry of the final period is much simpler in form, but in all its concentration much harder to approach than the long hymns and elegies of his youth. In these enigmatic later miniatures, the poetic process does not unfold for us to follow, but is left for us to unfold ourselves from a few deceptively simple-looking rhyming verses (not to mention the strange signatures and datings). This is when the translator is invited to make bold choices, that take a stand but don’t simplify.
Hölderlin is among the most intimidating authors to approach as a translator for at least three equally terrifying reasons: his complex language that uses and bends specific resources of German and gorges on the conceptual world of the German philosophers of his time, and their own language; Hölderlin’s own translation work and translation theory; and the wealth of interpretations that he has triggered among poets and philosophers, and that we hardly can overlook. Even to approach just the two quatrains below, it is difficult to ignore that Heidegger produced an entire theory about the notion of ‘dwelling’ (wohnen) based on Hölderlin’s lines in the poem “In lieblicher Bläue”: “Voll Verdienst, doch dichterisch, / wohnet der Mensch auf dieser Erde.” (Full of merit, yet poetically, / Man dwells upon the earth.) Even in such a short text, heavily-loaded notions like those of ‘dwelling’ and ‘nature’, and every other notion that they carry along in Hölderlin’s world and the world of his commentators, from ‘revolution’ to ‘homeland’ to ‘myth’, feel like unstable chemicals when you try to translate them.
“… jene Vollständigkeit und durchgängige Bestimmtheit des Bewußtseins (…), womit der Dichter auf ein Ganzes blickt”: “… that comprehensiveness and constant determination of consciousness with which the poet looks at a whole” (Grund zum Empedokles). I see it as a work in process to always come back to translating Hölderlin in order to get lost in the details, until the poet forces me to climb back to the greater perspective of a perpetually elusive context. Not trying to create yet another version of Hölderlin, but getting lost with him. It is a rewarding process, in which hopefully the author doesn’t suffer any damage.
DIE AUSSICHT
Wenn in die Ferne geht der Menschen wohnend Leben,
Wo in die Ferne sich erglänzt die Zeit der Reben,
Ist auch dabei des Sommers leer Gefilde,
Der Wald erscheint mit seinem dunklen Bilde.Daß die Natur ergänzt das Bild der Zeiten,
Daß die verweilt, sie schnell vorübergleiten,
Ist aus Vollkommenheit, des Himmels Höhe glänzet
Den Menschen dann, wie Bäume Blüt umkränzet.Mit Untertänigkeit
Scardanelli.
d. 24 Mai 1748.
PERSPECTIVE
When into the distance vanishes man’s life of dwelling
(That distance where shines the season of vines
Is also where lies the summer’s empty realm)
Then the forest appears, together with its dark image.
That nature completes the image of seasons,
That she lingers when they quickly pass,
Is out of perfection –the height of the sky gleams
For men, then, just like the blossom wreathes the trees.
With submission
SCARDANELLI
May 24th, 1748
LA PERSPECTIVE
Lorsque s’en va au loin la vie riveraine des hommes
(Là-bas loin où s’cintille la saison des vignes
Et où sont aussi les champs vides de l’été)
Alors la forêt paraît, avec son image sombre.
Si la nature parachève l’image des saisons,
Si elle s’attarde quand elles passent sans s’arrêter,
C’est par perfection – la cime du ciel resplendit
Pour les hommes alors, comme la floraison couronne les arbres.
Avec soumission,
SCARDANELLI
24 mai 1748
Voici en complément des extraits de traduction française de la 7e strophe de l’élégie Pain et vin (Brod und Wein) de Hölderlin, conçue pour le spectacle La Guerre, Très Loin en 2015. On mesure par contraste tout ce qui dans les derniers poèmes s’enlève de métaphysique autant que de politique pour arriver à la pure ligne de fuite.
Tout autour, la ville se tait ; le silence se fait dans la rue illuminée,
Et, serties de flambeaux, les voitures s’éloignent à bas bruit.
Repus de leurs joies de ce jour, ils rentrent, ces gens, se reposer,
Et puis une tête bien faite médite les gains et les pertes
Volontiers à la maison ; vide de raisins et de fleurs
Et de choses faites de main d’homme, se repose le marché affairé.
Mais des cordes résonnent au loin dans les jardins ; peut-être
Un amant joue là-bas ou un homme solitaire
Pensant à des amis lointains ou à sa jeunesse ; et les fontaines
Toutes-jaillissantes et fraîches clapotent par-dessus les platebandes odorantes.
Doucement, dans l’air crépusculaire, retentissent les cloches que l’on sonne,
Et pensif d’heures, un veilleur en crie le nombre.
Et là, une petite brise s’en vient, et agite la cime des bosquets,
Regarde ! et l’ombre de notre terre, la lune,
Elle se lève aussi ; la grande mystique, la nuit, arrive,
Pleine d’étoiles et bien peu préoccupée par nous,
La stupéfiante, elle brille, l’étrangère parmi les hommes,
Par-dessus la crête des montagnes, triste et somptueuse. (…)
Mon ami, nous arrivons trop tard. Bien sûr ils sont vivants, les dieux,
Mais par-dessus nos têtes, là-haut, dans un autre monde.
Là-bas, ils s’activent sans cesse, s’occupant en apparence bien peu
De si nous vivons ou pas ; c’est qu’ils nous ménagent, les Célestes.
Car un vase fragile ne peut pas les contenir en permanence,
L’homme ne supporte qu’un temps d’être rempli de divinité,
Et ce que nous appelons la vie n’est que leur rêve à eux. Cependant l’égarement
Peut être salutaire, comme le sommeil, et plus forts nous rendent la détresse et la nuit,
En attendant que les héros grandissent dans leurs berceaux d’airain,
Le cœur à l’ouvrage, comme au temps jadis, pareils aux Célestes.
Comme le tonnerre ils viendront, plus tard. D’ici là, il m’arrive de croire
Qu’il vaut mieux dormir qu’être ainsi sans compagnons,
Et d’ainsi attendre, et puis que faire en attendant, et que dire,
Je n’en sais rien, et puis à quoi bon des poètes en ces temps de besoin ?
Mais ils sont, dis-tu, comme les prêtres sacrés du dieu du vin,
Qui couraient de pays en pays à travers la nuit sacrée. (…)
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